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L’ordre du Temple dans l’Europe des croisades

(1120-1312) Pi e r r e-Vi n c e n t Cl a v e r i e


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Les débuts de l’ordre en Orient :


En 1114, Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer organisent à Jérusalem une confrérie de chevaliers occidentaux sous la houlette du Saint-Sépulcre et de la Couronne de Jérusalem. Cette communauté, qualifiée de “ chevalerie évangélique ” par l’évêque

Yves de Chartres, se structure en ordre militaire à l’occasion du concile de Naplouse de 1120, qui réforme les mœurs du clergé oriental.


Les templiers adoptent rapidement comme devise la formule Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam, “ Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous mais à ton nom rends gloire! ”, qui fera leur renommée (Psaumes 115, 1). Le roi de Jérusalem, Baudouin II, les installe au cours de l’année 1120 dans son palais du Temple de Salomon, édifié dans la partie orientale de la Ville sainte.

Les frères du Temple assurent à partir de ce quartier général la défense des routes de Palestine, empruntées par les pèlerins. Ils obtiennent la conirmation de leur ordre par la papauté en 1129 à l’occasion d’un concile tenu dans la ville de Troyes, qui leur confère une règle d’inspiration bénédictine1.

La lutte contre les “infidèles” s’impose dans les années qui suivent comme la raison d’être de l’ordre. En 1139, la bulle Omne datum optimum d’Innocent II dégage les templiers de la tutelle du clergé séculier, en posant les bases de leur indépendance territoriale. Les frères du Temple se voient confier rapidement la protection des frontières des États latins d’Orient.

Au nord de la Principauté d’Antioche, ils prennent le contrôle ...

(Le Temple de Salomon correspond à l’actuelle mosquée al-Aqsā de Jérusalem, sise sur le Ḥaram aš-Šharīf. )

... au milieu du XIIe siècle des châteaux de Baghrās, La Roche-Guillaume et La Roche-de-Roissel.

Leur patrimoine se concentre, dans le comté de Tripoli, autour de la cité de Tortose et de la place de Château-Blanc (Sāfīthā), dont le donjon-église résiste à plusieurs séismes. Dans le royaume de Jérusalem, leurs domaines englobent les seigneuries de Sidon et Beaufort, les forts de Merle et de La Fève ainsi que la forteresse de Château-Pèlerin (‘Athlīt) après 1217. Les templiers contrôlent le flanc sud du royaume à partir des places de Château-Arnaud, du Toron-des-chevaliers et de Gaza, au contact de l’Égypte fatimide.

Ils deviennent au XIIIe siècle grâce à cet imposant dispositif les “vrais maîtres de l’Orient latin” avec les frères de l’Hôpital2. L’initiative d’Hugues de Payns aboutit à la création en une quinzaine d’années d’une congrégation militaire, en rupture avec les principes fondamentaux du Christianisme.


De nombreux ecclésiastiques s’élèvent contre l’idée d’autoriser un ordre religieux à verser le sang, même si Bernard de Clairvaux ne voit en cela qu’un “malicide”, ou crime louable.


L’idéal des moines-soldats naît de la nécessité de protéger les Lieux saints, en sécurisant durablement leurs voies d’accès. L’influence du Temple s’étend en une décennie à des régions aussi diverses que l’Espagne ou l’Europe orientale, qui font office de fronts pionniers de la chrétienté. Des ordres distincts se spécialiseront, toutefois, dans ces régions dans la lutte contre les “infidèles” ou les “Païens”, en s’inspirant de l’exemple templier.


L’organisation interne du Temple C’est après le concile de Troyes de 1129 que le Temple se dote d’une organisation tripartite, copiée par de nombreuses congrégations.

La règle latine du Temple n’évoque en effet, à côté des frères chevaliers, que des chevaliers séculiers entrés temporairement au service de l’ordre, en compagnie d’écuyers et de sergents bénévoles.

Les templiers adoptent dès cette époque le manteau blanc, frappé d’une croix rouge, qui symbolise leur engagement en faveur de la Terre sainte.

Ils attribuent, dans la foulée, aux frères sergents et chapelains de l’ordre l’obligation de porter des manteaux bruns ou noirs.

Cette codification montre que le Temple s’aligna dès le départ sur l’organisation trifonctionnelle de la société féodale. Depuis le IXe siècle, les lettrés se plaisaient à distinguer dans l’Occident chrétien trois ordres spécialisés dans les activités manuelles (laboratores), militaires (bellatores) et spirituelles (oratores).

Les templiers donnèrent au XIIe siècle la prééminence aux chevaliers, en leur accordant trois fois plus de montures qu’aux frères sergents. Ils encadrèrent les prérogatives

du grand-maître de l’ordre à l’aide d’une série de statuts, érigés au rang de règle dans

la seconde moitié du XIIe siècle. Le maître fut habilité à ratifier les décisions prises par le chapitre général de l’ordre, qui devait se réunir tous les quatre à cinq ans en Terre sainte.


La désignation du grand-maître incombait, en période de vacance du pouvoir, à un collège électoral composé de douze frères combattants − à raison de huit chevaliers et de quatre sergents − et d’un frère chapelain. L’ensemble des frères présents à Jérusalem, puis Acre, participaient à la nomination de ces grands électeurs, dotés de qualités morales hors du commun.

Le fonctionnement de l’ordre reposait, au quotidien, sur les décisions prises par une série d’officiers aux fonctions bien établies :

Le sénéchal : Deuxième personnage de l’ordre, il remplace le maître quand celui-ci voyage. Sa charge disparaîtra à la in du XIIe siècle, tandis que le maréchal de l’ordre cumulera les fonctions de commandant en chef et de lieutenant du grand-maître durant ses absences. Le maréchal du couvent du Temple : Chef militaire de l’ordre, responsable du gonfanon Bauséant (la bannière de “sable et d’argent” des templiers), c’est à lui que revient l’honneur de poindre sur les ennemis lors des batailles. Il gère aussi l’état du matériel des templiers de Terre sainte, à commencer par leurs harnais particulièrement coûteux.

Le visiteur cismarin : Ce dignitaire assure à partir de 1164 un rôle de vice-maître dans les régions d’Occident, qu’il parcourt afin de rassembler des renforts et des subsides.

Le commandeur de la terre de Jérusalem : C’est le trésorier de l’ordre, qui gère les rentes et les fournitures des commanderies de l’ensemble du royaume de Jérusalem.

Le commandeur de la cité de Jérusalem : Ce dignitaire assure l’escorte des pèlerins gagnant les bords du Jourdain ain de visiter de lieu de baptême présumé du Christ.

Il assure également la protection de la relique de la Vraie Croix, emmenée au combat par les templiers.

Les commandeurs des terres de Tripoli et Antioche : Ils incarnent l’autorité du maître dans ces provinces avec le concours d’un état-major local, dominé par un maréchal provincial. Les commandeurs des autres provinces : Bien que pourvus du même statut que les précédents, ils ne disposent pas du concours d’un maréchal attitré en raison de leur localisation à “l’arrière”. Certains de ces commandeurs exercent leur autorité sur des commandeurs de moindre importance à l’instar du maître d’Aquitaine à l’égard du commandeur de Bretagne.

Le frère drapier : Il fournit les vêtements, pièces de literie et chaussures indispensables à l’ensemble des frères stationnés en Orient.

Les frères chevaliers, commandeurs de maisons : Ces preceptores sont responsables de la gestion d’une maison, dont ils rendent compte à un commandeur ou maître provincial.

Les commandeurs des chevaliers : Ils sont nombreux et remplissent diverses fonctions de commandement sous les ordres du maréchal du couvent. Le plus important d’entre eux veille au respect de la discipline parmi les 90 frères de couvent affectés à Jérusalem, puis Acre.

Un autre a la charge des chevaliers laïcs, ou milites ad terminum, entrés au service de l’ordre.

Le turcoplier: Il commande les frères sergents lors des campagnes militaires et les “turcopoles” entretenus par l’ordre en Orient. Ces derniers sont des archers cavaliers, composés aussi bien de frères de couvent que de chrétiens orientaux soldés par l’ordre.

Le sous-maréchal : Cet officier subalterne dirige les frères de métier, ou artisans de l’ordre, en dehors des combats. Il accompagne le maréchal en cas d’engagement, en tenant le gonfanon du Temple soigneusement plié jusqu’au début de la bataille.

Le gonfanonier : Ce frère sergent a la responsabilité des écuyers, ou apprentis chevaliers, servant dans l’ordre. En campagne, il garde le gonfanon de réserve, enroulé autour de sa lance, au cas où l’emblème de l’ordre tomberait entre les mains des “inidèles”.

Le commandeur de la voûte d’Acre : Trésorier particulier, il gère les marchandises de l’ordre qui sont déchargées à Acre au titre de la contribution versée par les commanderies européennes au couvent central. Sa titulature renvoie aux voûtes des magasins sous lesquelles les provisions de l’ordre sont stockées à l’abri du soleil. Dès la confirmation de l’ordre en 1129, la règle inspirée par Bernard de Clairvaux accorde aux frères du Temple le droit d’acquérir des terres pourvues de dîmes avec l’aval de l’ordinaire.

La papauté n’exemptera le Temple de toute sujétion laïque qu’une dizaine d’années plus tard par le biais de la bulle Omne datum optimum, sans cesse renouvelée au XIIIe siècle. Chacun donne aux templiers pour l’amour de Dieu, la rémission de ses péchés, ou la lutte contre les “Sarrasins” qui menacent la Terre sainte.


Ainsi, prend-on l’habitude de céder au Temple des droits, des rentes, des vêtements, des armes ou des terres comme le chevalier picard, Raoul de Ressons, au moment de son entrée dans l’ordre en 11926.

 
 
 

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